A la découverte de l’Iran (II)

3 secondes.

C’est le temps dont j’ai besoin pour évaluer le degré de confiance que je peux accorder à une personne qui m’aborde en rue. Sur base d’une série de critères profondément subjectifs, je peux décider de suivre aveuglément un inconnu ou de poliment prendre congé. Intéressante au quotidien, cette faculté m’est d’autant plus utile au bout du monde.

Ce séjour en Iran était ma première cure de détox numérique depuis les dix jours de méditation silencieuse vécus en Inde, dix ans auparavant. Quand les repères s’effondrent, l’humanité semble regagner du terrain. Les yeux rivés sur une photocopie malmenée du plan du métro, mon sac à dos bien calé entre mes mollets, Reza vient m’aborder dans un anglais approximatif, le sourire engageant. “Where you go?”

1… 2… 3…

Je lui explique que je dois rejoindre une station en périphérie de Téhéran, me faire rembourser le trajet que je n’avais pu effectuer la veille et réserver un nouveau billet direction Khour, la ville connectée la plus proche de ma destination finale, Iraaj. Le tout en moins de 2 heures. “No problem, follow me !” Un changement de ligne et 12 stations plus tard nous arrivons à la gare routière. Je lui confie mon titre de transport périmé et le regarde se diriger vers ce qui semble être le guichet de la compagnie. Avec un certain détachement, j’observe de loin l’issue de la négociation.

Il revient vingt minutes plus tard tout sourire et me tend le précieux sésame. Il me parle de sa vie d’étudiant, me montre les cadeaux qu’il vient d’acheter pour l’anniversaire de sa petite sœur. On échange avec cette légèreté qui caractérise les rencontres fortuites. Je le remercie mille fois avant qu’il ne s’en vaque à ses occupations non sans s’être assuré que je monterai dans le bon bus, le moment venu.

J’ai toujours adoré l’atmosphère des gares routières. Ce ballet incessant d’arrivées et de départs, cette odeur de gasoil entremêlée de relents sucrés, cette polyphonie qui ne fait sens que lorsque l’on s’y oublie. J’attends là, assis contre un mur, incapable de communiquer conventionnellement avec qui que ce soit.

Je finis par monter dans un bus par instinct plus que par conviction. Je tente d’appeler Nassim mais je tombe directement sur son répondeur. Omid, le responsable du projet, n’est pas plus réactif. Je demande au chauffeur son numéro de téléphone et le regarde aligner sur un coin de feuille une série de symboles obscures, des chiffres persans.

Après que l’un des passagers m’a retranscrit le numéro en caractères familiers, j’envoie le sms de la dernière chance à tous les contacts rassemblés avant mon départ. Pas de réponse. Alors que dans ma tête se font et se défont toute une série de scénarios alambiqués, une double vibration me sort de ma torpeur.

Non, je ne vais pas me retrouver errant au petit matin à la frontière afghane. Un chauffeur de taxi m’attendra au bord de la route, à Khour, autour de 23h.

Ce soir, je dormirai à Iraaj…

 

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