Les Géants de Pierre

Acteurs immobiles de cette île de légende, les Moais sont indissociables de cette terre qui les a vu naître, mais qui fut aussi leur tombeau. De la carrière de Rano Raraku, c’est à même la roche que les pascuans se sont attelés à sculpter ces géants de pierre, incarnations de leurs Dieux et de leurs ancêtres. Une fois achevés, direction leur ahu, cette plate-forme cérémonial du haut de laquelle ils pouvaient veiller paisiblement sur le clan qu’ils représentaient. Compte tenu de leur poids variant de 3 à 9 tonnes, cette opération était loin d’être une partie de plaisir. Pas étonnant que quelques-uns se soient brisés en chemin! Une fois sur pied, les gardiens du culte leur apposaient des yeux en corail, qui leur donnaient la force spirituelle à même de protéger leur peuple.

Au total, c ’est près de 900 Moais qui ont été recensés sur l’île. Certains mieux conservés que d autres, certains inachevés. Lors de la découverte de l’île par les premiers explorateurs européens, la grande majorité, si pas tous, avaient été renversés suite à des conflits inter-tribaux. Ceux qui sont aujourd’hui´hui redressés, l’ont été par le travail des missions de restauration qui se sont succédées au cours du 20ème siècle.

Un des aspects les plus mystérieux qui entoure les Moais est leur extinction, pour autant que l’on puisse parler d’extinction pour des colosses de pierre. En se promenant sur les flancs du Rano Raraku, on a cette étrange impression que le temps s’est arrêté, laissant en pâture des morceaux de Moais inachevés, abandonnés à leur triste sort. Comme si, du jour au lendemain, un séisme majeur les avait mis à terre. En réalité, c’est la folie des grandeurs des pascuans qui a précipité la fin de la production, et qui est, en partie, responsable de la chute de leur civilisation. Toujours plus grands, toujours plus lourds, la compétition entre les clans faisaient rage. On a retrouvé, dans la carrière, un Moai inachevé de près de 21m de haut, dont le poids a été estimé à 270 tonnes! Cette course à la démesure a accéléré l’épuisement en ressources naturelles de l’île. Le bois, indispensable pour le transport de ces géants, s’est mis a manqué, rendant impossible la poursuite de la production. Une catastrophe écologique à petite échelle, en quelque sorte, mais dont on ferait bien de tirer quelques leçons.

Reliques d’une civilisation disparue, source de fierté d’un peuple en pleine mutation, symbole de la folie des hommes… La part de mystère les entourant a beau s’amenuir au fil des avancées scientifiques, les Moais n’ont pour autant pas fini de fasciner les milliers de touristes qui, chaque année, les mitraillent sans répit. Perdus au milieu d’un Pacifique taillé à leur image, ou serait-ce l’inverse?

From Ayacucho, with Love.

Nicolas

La Polynésie Irlandaise

Rapa Nui. Cette petite île de 162 km², perdue au beau milieu de l’océan Pacifique, est plus connue en nos contrées sous le nom d’île de Pâques. Nom qui lui a été attribué au 18ème siècle par un navigateur européen qui passait par là, le dimanche où Jésus revenait de parmi les morts. Les Chiliens, qui ont annexé l’île à la fin du 19ème siècle, ont gardé cette appellation par la suite, au grand dam de la population autochtone.

Peuplée d’environ 5000 âmes, cette île mystérieuse ne m’inspirait jusqu’alors que des images de géants de pierre en bord de mer, vestiges d’une civilisation perdue, et dont l’origine inexpliquée continuait de fasciner les scientifiques et historiens de tout bord. Avec comme vague souvenir une illustration du Larousse 87, il m’avait même semblé qu’on prêtait aux Moaïs, le nom donné à ces colosses, des origines extraterrestres. On est bien loin de la vérité, mais je reviendrai là-dessus plus en détails la semaine prochaine.

Aujourd’hui, c’est de l’île dont je voudrais vous parler. Arrivés avant le levé du jour de Lima, c’est une chape d’air saturée en humidité qui nous accueille. On est bel est bien en Polynésie! Une fois débarqués au camping qui nous servira de camp de base pendant notre séjour, les premières lueurs du jour révèlent un paysage pour le moins inattendu. Alors qu’on pourrait s’attendre à des kilomètres de plages immaculées bordés de forêts tropicales, ce sont des côtes escarpées fouettées par un vent violent qui se révèlent. Au loin, des collines verdoyantes peuplées de chevaux en liberté, et quelques vaches qui broutent paisiblement. En fermant les yeux, le visage fouetté par les embruns, difficile de s’imaginer à plus de 3000km de la côte la plus proche. Des souvenirs éloignés reviennent à la surface: mai 2006, les îles d’Aran. Petit archipel au large de Galway, sur la côte ouest d’une Irlande qui a longtemps été mon pays d’adoption. Je me revois parcourant en vélo ces routes en tous points semblables, à l’exception de quelques palmiers et des 20 degrés de différences, qui nous rappellent rapidement que l’on est bien sous les tropiques, pas aux portes du grand nord.

Cela fera sans doute sourire quelques personnes cette analogie. Cela fait maintenant prêt d’un an et demi que j’ai quitté l’île d’émeraude, peut-être faut-il chercher là un brun de nostalgie me faisant voyager dans l’espace-temps. Mais l’impression d’être de retour dans un décor familier est bel et bien présente, aussi difficilement défendable soit-elle! Le petit jeu, par la suite, a été de pousser les points de comparaison au-delà de la ressemblance géographique. Avec des hommes d’apparence rustres et des femmes au caractère en acier trempé, avec un sens de l’accueil et du partage et un humour corrosif à souhait, les jeux des 7 erreurs s’est prolongé tout au long de cette semaine passée en terre Rapa Nui!

Je vous laisse avec ces quelques images, et vous dit à le semaine prochaine pour d’autres récits de ce bout de terre, suspendu au bord du monde…

PS: En guise de comparaison, une photo prise sur l’une des îles d’Aran, il y a de cela 6 ans (déjà!)

From Ayacucho, with Love

Nicolas